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Monday, February 10, 2014

Français -- Interview d’Edward Snowden par la chaîne de TV allemande NDR du 26.1.2014





Cette interview télévisée à Moscou, est la deuxième du genre après celle menée par les journalistes Glenn Greenwald et Laura Poitras à Hong Kong en juin 2013.


(Crédit photo NDR News Germany) Télévision Allemande dimanche soir en direct, entretien  avec l’Américain Edward Snowden qui a révélé publiquement et relayé largement  à l’étranger les particularités des programmes de surveillances  opérées par la NSA.

Il devient de plus en plus évident que ces révélations n’ont causé aucun tort, en fait, elles ont été bien utiles au grand public.



Hubert Seipel (Seipel) : Monsieur Snowden avez-vous bien dormi ces dernières nuits parce que j’ai lu que vous aviez demandé une protection policière en quelque sorte. Y a-t-il des menaces ?

Edward Snowden (E. Snowden) : Il existe des menaces significatives mais je dors très bien. Il y a eu un article publié dans un journal en ligne appelé Buzz Feed où ils interviewaient des officiels du Pentagone, de l’Agence Nationale de Sécurité (NSA) en leur accordant l’anonymat pour qu’ils puissent dire ce qu’ils voulaient et ce qu’ils ont dit au journaliste reporter,  c’est qu’ils voulaient m’assassiner. Ces individus – et ce sont des officiels du gouvernement en fonction – disaient qu’ils seraient heureux, qu’ils adoreraient me mettre une balle dans la tête, m’empoisonner au retour d’une course chez l’épicier, et me voir mourir dans ma douche.

Seipel : Mais fort heureusement vous êtes toujours vivant parmi nous.


E. Snowden : Tout juste je suis toujours en vie et je ne manque pas de sommeil parce que j’ai fait ce que je sentais devoir faire. C’était la bonne action à faire et je ne me laisserai pas intimider par la peur.

Seipel : «La plus grande crainte que j’ai », et je vous cite, « concernant les divulgations, c’est que rien ne change. » C’était une de vos plus grandes préoccupations à l’époque mais entre-temps il y a eu une vive discussion concernant la situation de la NSA ; non seulement en Amérique mais également en Allemagne et au Brésil et le Président Obama a été forcé de s’adresser au public et de justifier ce que faisait la NSA sur des bases légales.

E. Snowden : Ce à quoi nous avons assisté initialement en réponse aux révélations, c’était une sorte de cercle de chariots de protection, mis en œuvre par le gouvernement sur l’Agence de Sécurité Nationale. Au lieu de conduire l’agence en formant un cercle protecteur autour du  public pour protéger ses droits, la classe politique s’est concentrée autour de l’état sécuritaire pour protéger ses propres droits. Ce qui est intéressant, c’est que bien que cela ait été leur toute première réaction, on l’a vue s’adoucir depuis. Nous avons vu le Président le reconnaître lorsqu’il a d’abord dit « nous avons fait le bon bilan, il n’y a pas d’abus », nous l’avons vu, lui et ses collaborateurs admettre qu’il y a eu des abus.  Chaque année, Il y a des milliers de violations de ce genre,  de la part de l’Agence de Sécurité Nationale et d’autres agences et par les autorités.

Seipel : Est-ce-que le discours d’Obama marque le début d’une réglementation sérieuse ?

E. Snowden :  Il était clair à la lecture du discours du Président qu’il voulait faire des changements mineurs pour préserver des services dont nous n’avons pas besoin. Le Président a créé une commission de surveillance constituée d’officiels qui étaient des amis personnels, d’anciens de la sécurité nationale, d’un ancien Directeur adjoint de la CIA, de gens qui avaient tout intérêt à y aller doucement sur ces programmes et à les considérer d’un œil favorable. Mais ce qu’ils ont découvert était que ces programmes n’avaient aucune valeur, qu’ils n’ont jamais empêché une attaque terroriste aux Etats-Unis et qu’ils n’avaient eu au mieux qu’une utilité marginale dans d’autres domaines. La seule chose que le programme de méga-données téléphoniques de la section 215 confère, en fait c’est un programme plus vaste de collecte brute de méga-données – une collecte brute signifie une surveillance de masse – a révélé qu’il n’empêchait pas ou ne détectait pas les  virement électroniques de 8500 $ de la part d’un chauffeur de taxi californien et c’est ce genre de surveillance effectuée par les opérateurs qui font que nous n’avons pas besoin de ces programmes, ces programmes ne contribuent pas à notre sécurité.
 Ils mobilisent d’énormes de ressources pour fonctionner et ne nous apportent rien de valable. Ils poursuivent en disant « nous pouvons les modifier ». L’Agence de Sécurité Nationale agit uniquement sous l’autorité effective du Président. Il peut donc arrêter ou modifier ou provoquer un changement de ses politiques à tout moment.

Seipel Pour la première fois le Président Obama a admis que la NSA collectait et stockait des milliers de milliards de données.

E. Sowden : Chaque fois que vous prenez le téléphone, composez un numéro, rédigez un courriel, effectuez un achat en ligne, prenez le bus en transportant un téléphone portable, introduisez une carte quelque part, vous laissez une trace et le gouvernement a décidé que c’était une bonne idée de toutes les collecter, toutes, même si vous n’avez jamais été suspecté d’un crime. Traditionnellement le gouvernement identifierait un suspect, irait voir un juge, lui dirait qu’il suspectait l’individu d’avoir commis ce crime, obtiendrait un mandat et pourrait ainsi utiliser la totalité de ses pouvoirs pour poursuivre l’enquête. De nos jours ce que vous voyons, c’est qu’ils veulent utiliser la totalité de leurs pouvoirs à l’avance – avant toute enquête.

Seipel Vous avez lancé ce débat, Edward Snowden est devenu entre-temps une icône pour le lanceur d’alerte de l’âge de l’internet. Vous avez travaillé jusqu’à l’été dernier pour la NSA et pendant ce temps vous avez collecté secrètement des milliers de documents confidentiels. Y-a-t-il eu un moment décisif ou cela a-t-il mis longtemps à mûrir ou quelque chose s’est-il passé, qu’est-ce-qui vous a poussé à faire cela ?

 E. Snowden :   Je dirai qu’une sorte de moment décisif fut celui où j’ai vu le Directeur du Renseignement National, James Clapper, mentir sous serment au Congrès. Il n’est pas possible de sauver une communauté des services de renseignement  en croyant qu’elle peut mentir au public et aux législateurs qui doivent pouvoir lui faire confiance et légiférer sur  ses poursuites . Assister à cela signifiait réellement pour moi qu’il n’y avait pas moyen de revenir en arrière. Au-delà de cela, il y a eu la lente prise de conscience que personne d’autre ne le ferait. Le public avait le droit de connaître l’existence de ces programmes. Le public avait le droit de savoir ce que le gouvernement faisait en son nom, et ce que le gouvernement faisait contre le public, mais nous n’étions pas autorisés à en discuter, nous n’étions autorisés à rien, même le corps élargi de nos représentants élus ne pouvait connaître ou discuter de ces programmes et c’est une chose dangereuse. La seule supervision dont nous disposions était une cour secrète, la Cour FISA, qui est une sorte de bureau, le sceau d’autorité.
Quand vous êtes à l’intérieur du système et que vous allez travailler chaque jour et que vous vous asseyez à votre bureau et que vous réalisez le pouvoir que vous avez – vous pouvez écouter le Président des Etats-Unis, vous pouvez écouter un juge fédéral et si vous le faites discrètement jamais personne ne le saura parce que la seule façon dont la NSA peut découvrir des abus c’est en se contrôlant elle-même.

Seipel Nous ne parlons pas seulement de la NSA dans ce domaine, il existe un accord multilatéral de coopération entre les services et cette alliance sur des opérations de renseignement est connue sous le nom des Cinq Yeux (Five Eyes). Quelles agences et pays font partie de cette alliance et quel est son but ?

E. Snowden :  L’alliance des Cinq Yeux est une sorte de reliquat de l’après Deuxième Guerre Mondiale où les pays anglophones sont les principales puissances faisant alliance pour en quelque sorte coopérer et partager les coûts de l’infrastructure de collecte du renseignement.
Donc nous avons le GCHQ britannique (Government Communications HeadQuarter, ndT), nous avons la NSA américaine, le C-Sec canadien, le Australian Signals Intelligence Directorate et le DSD néo-zélandais. Le résultat en fut pendant des décennies et des décennies une sorte d’organisation supranationale du renseignement qui n’obéissait pas aux lois de leurs propres pays.

Seipel :  Dans de nombreux pays, comme en Amérique également les agences comme la NSA ne sont pas autorisées à espionner à l’intérieur de leurs propres frontières et leur population. Donc les Britanniques par exemple peuvent espionner tout le monde sauf les Britanniques mais la NSA peut mener des surveillances en Angleterre, donc finalement, ils pourraient échanger leurs données et seraient  en conformité avec la loi.

E. Snowden :  Si vous posez directement la question aux gouvernements, ils le nieraient et feraient référence aux accords politiques entre les membres des Cinq Yeux stipulant qu’ils n’espionneraient pas les citoyens des autres pays membres mais il y a là quelques points-clés. Le premier est qu’ils ne définissent pas comme de l’espionnage  la collecte de renseignements. Le GCHQ collecte une énorme masse de données, d’informations  sur les citoyens britanniques tout comme la NSA le fait pour les citoyens américains. Ce qu’ils disent c’est qu’ils ne cibleront pas les gens mentionnés dans ces données. Ils ne rechercheront pas des citoyens du Royaume-Uni ou britanniques. De plus les accords politiques conclus entre eux disent que des Britanniques ne cibleront pas des citoyens américains, que les Américains ne cibleront pas des citoyens britanniques, ne les engageant pas juridiquement. Les actuelles notes de service des accords stipulent tout particulièrement,  qu’ils ne visent pas à légalement émettre des restrictions à un quelconque gouvernement. Il y a des accords qui peuvent être modifiés ou rompus à tout moment. Donc s’ils en ont après un citoyen britannique ils peuvent espionner un citoyen britannique et ils peuvent même partager ces données avec le gouvernement britannique,  à qui il est interdit d’espionner les citoyens britanniques. Donc il y a une sorte de dynamique négociée mais qui est inavouée, cela se fait en douce et au-delà,  l’essentiel est de se rappeler que la surveillance et l’abus ne se produisent pas lorsque les gens exploitent les données, mais lorsque les gens collectent les données en premier lieu.

Seipel : Quel est le degré de coopération entre le Service Secret allemand BND (Bundesnachrichtendienst, ndT) et la NSA et les Cinq Yeux ?

E. Snowden :  Je le qualifierai d’intime. En fait la première manière dont je l’ai décrit dans notre interview écrite était que les services allemands et les services américains couchent ensemble. Ils partagent non seulement des informations, des rapports d’investigation, des résultats du renseignement, mais ils partagent en fait les outils et l’infrastructure et travaillent ensemble contre des cibles communes aux services et cela recèle beaucoup de danger. Un des principaux programmes qui est source d’abus dans l’Agence de Sécurité Nationale est appelé « XKeyscore ». C’est un moteur de recherche frontal qui leur permet de faire des recherches transversales de  tous les enregistrements qu’ils collectent mondialement chaque jour.

Seipel Que pourriez-vous faire avec ce genre d’outil si vous étiez pour ainsi dire à leur place ?

E. Snowden :  Vous pourriez lire les courriels de chacun dans le monde entier. Tous ceux dont vous possédez l’adresse électronique, tout site dont vous pouvez observer le trafic entrant et sortant, tout ordinateur devant lequel est assis un utilisateur peut être observé, tout ordinateur portable que vous ciblez peut être suivi dans ses déplacements à travers le monde. C’est un magasin unique d’accès à l’information de la NSA. Et de plus vous pouvez marquer les utilisateurs de « XKeyscore ». Disons que je vous ai vu une fois et que je me suis dit que ce que vous faisiez était intéressant ou que vous avez accès à des choses qui m’intéressent, admettons que vous travaillez pour une grande entreprise allemande et que je veux accéder à ce réseau, je peux tracer votre nom d’utilisateur sur un site web, sur un formulaire quelconque, je peux tracer votre vrai nom, je peux tracer des associations avec vos amis et je peux construire les liens de ce qu’on appelle une empreinte digitale qui représente l’activité réseau qui vous est propre, ce qui signifie que où que vous alliez dans le monde, où que vous tentiez de dissimuler votre présence sur le réseau ou votre identité, la NSA peut vous retrouver et tous ceux qui sont autorisés à l’utiliser ou avec qui la NSA partage son logiciel peuvent faire de même. L’Allemagne est un des pays à avoir accès à « XKeyscore ».

Seipel Cela paraît plutôt effrayant. La question est : le BND livre-t-il des données sur les Allemands à la NSA ?

E. Snowden :  Que le BND le fasse directement ou en connaissance de cause, la NSA reçoit des données allemandes. Si cela se fait, je ne peux en parler avant que cela ne soit publié parce que cela serait classifié et je préfère que les journalistes fassent le tri et prennent les décisions sur ce qui  intéresse le public et ce qui devrait être publié. Cependant, ce n’est pas un secret que chaque pays au monde a les données de ses citoyens stockés à la NSA. Des millions et des millions de connexions de données d’Allemands vaquant à leurs occupations quotidiennes, parlant sur leurs téléphones portables, envoyant des SMS, visitant des sites web, faisant des achats en ligne, tout cela finit à la NSA et il est probable que le BND soit au courant dans une certaine mesure. Maintenant je ne saurai dire s’ils fournissent ou non activement ces informations.

Seipel Le BND explique que si nous le faisons, nous le faisons en fait accidentellement et que notre filtrage ne fonctionnait pas.

E. Snowden :  Bien donc le genre de choses dont ils discutent sont de deux ordres. Ils parlent de filtrer l’ingestion de données, ce qui signifie que la NSA installe un serveur secret chez un fournisseur d’accès de télécommunications allemand ou qu’elle pirate un routeur allemand en déviant le trafic de manière à leur permettre de faire des recherches, ils disent « si je vois ce que je crois être un allemand parlant à un autre allemand je laisse tomber » mais comment savoir. Vous pourriez dire « eh bien ces personnes parlent en langue allemande », « cette adresse IP semble être celle d’une société allemande s’adressant à une autre société allemande », mais cela n’est pas précis et ils ne laisseraient pas tomber tout ce trafic parce qu’ils ont identifié des cibles intéressantes, qui sont actives en Allemagne en utilisant les communications allemandes. Donc de façon réaliste quand ils disent qu’il n’y a pas d’espionnage des Allemands, ils ne veulent pas dire que des données allemandes ne sont pas collectées, ils ne veulent pas dire que des enregistrements ne sont pas effectués ou volés, ce qu’ils veulent dire c’est qu’ils ne surveillent pas intentionnellement des citoyens allemands. Et là c’est une sorte de promesse avec les doigts croisés dans le dos, ce n’est pas fiable.

Seipel : Qu’en est-il d’autres pays européens comme la Norvège et la Suède par exemple parce que nous avons un tas de câble je pense, sous-marins qui traversent la Mer Baltique.

E. Snowden :  C’est une sorte d’élargissement de la même idée. Si la NSA ne collecte pas d’informations sur les citoyens allemands en Allemagne, le fait-elle aussitôt qu’elles passent les frontières allemandes ? Et la réponse est « oui ». Toute communication qui transite par l’internet peut être interceptée par la NSA en de multiples points, que ce soit en Allemagne, en Suède, en Norvège ou Finlande, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. En n’importe quel point de ces pays par lesquels passe une communication allemande, celle-ci peut être ingérée et ajoutée à la base de données.

Seipel Donc passons alors à nos voisins du sud de l’Europe. Qu’en est-il de l’Italie, de la France, de l’Espagne ?

E. Snowden :  C’est la même façon de procéder dans le monde entier.

Seipel La NSA espionne-t-elle Siemens, Mercedes, d’autres sociétés allemandes qui réussissent par exemple, pour avoir le dessus, pour avoir l’avantage  concurrentiel et  savoir ce qui se passe dans le monde scientifique et économique ?

E. Snowden :  Je ne veux pas anticiper les décisions éditoriales des journalistes mais je dirai qu’il est hors de doute que les Etats-Unis pratiquent l’espionnage économique.
S’il y a de l’information sur Siemens dont ils pensent qu’elle pourrait servir les intérêts nationaux, non la sécurité nationale des Etats-Unis, ils chercheront cette information et la récupéreront.

Seipel Il y a ce vieil adage qui dit « vous faites ce que vous pouvez » donc la NSA fait tout ce qui est techniquement possible.

E. Snowden :  C’est quelque chose que le Président a abordé l’année dernière lorsqu’il a dit que ce n’est pas parce que nous sommes capables de faire quelque chose, et c’était en relation avec le piratage du téléphone portable d’Angela Merkel, ce n’est pas parce que nous en sommes capables que nous devons le faire, et c’est exactement ce qui s’est passé. Les capacités technologiques qui ont été acquises en raison des faibles normes de sécurité des protocoles internet et des réseaux de communications cellulaires ont eu pour effet que les services de renseignement peuvent créer des systèmes qui voient tout.

Seipel Rien n’a plus contrarié le gouvernement allemand que le fait que la NSA ait piraté le téléphone portable privé de la chancelière allemande Merkel au cours des 10 dernières années ; à l’évidence soudainement cette surveillance invisible se rattachait à une personnalité connue et non plus à une espèce d’arrière-plan terroriste flou et obscur : Obama a maintenant promis d’arrêter d’espionner Merkel ce qui pose la question : la NSA a-t-elle espionné les gouvernements précédents y compris les chanceliers précédents et quand l’a-t-elle fait et depuis combien de temps ?

E. Snowden :  C’est une question à laquelle il m’est particulièrement difficile de répondre parce qu’il y a des informations dont je pense fortement qu’elles sont d’intérêt public. Cependant, comme je l’ai déjà dit, je préfère laisser les journalistes prendre ces décisions à l’avance, passer en revue les éléments  et décider si oui ou non la valeur pour le public dépasse le genre d’atteinte à la réputation de ceux qui ont ordonné la surveillance. Ce que je peux dire, c’est que nous savons qu’Angela Merkel était sous surveillance de l’Agence de Sécurité Nationale. La question est de savoir s’il est raisonnable de penser qu’elle soit la seule personne officielle allemande à être surveillée, à quel point il est possible  de croire qu’elle soit la seule personnalité éminente en Allemagne que l’Agence de Sécurité Nationale surveillait. Je suggérerai qu’il soit déraisonnable pour quelqu’un qui se préoccupait des intentions des dirigeants allemands de ne surveiller que Mme Merkel et non ses collaborateurs, d’autres officiels éminents, ses ministres ou même des officiels de gouvernements régionaux.

Seipel :  Comment un jeune homme d’Elizabeth City en Caroline du Nord, âgé de 30 ans, accède-t-il à une tel poste dans un domaine aussi sensible ?

E. Snowden :  C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre. En général, je dirai que cela met en lumière les dangers de privatiser des fonctions gouvernementales. Je travaillais précédemment en fait comme cadre de direction, en tant qu’employé du gouvernement dans l’Agence Centrale du Renseignement (CIA) mais j’ai travaillé le plus souvent comme sous-traitant privé. Ce que cela signifie, c’ est qu’il existe des sociétés privées qui effectuent un travail qui est intrinsèquement du ressort du gouvernement comme de l’espionnage ciblé, de la surveillance, de l’infiltration de systèmes étrangers, et quiconque dispose des compétences pour convaincre une société privée qu’il a les qualifications nécessaires, sera chargé par le gouvernement de le faire et il y a très peu de supervision, très peu de contrôle.

Seipel :  Etiez-vous un de ces classiques enfants de l’ère informatique qui avaient les yeux rougis à force de passer leurs nuits devant l’écran à l’âge de 12 à 15 ans avec leur père qui toquait à leur porte en leur disant « éteins la lumière, il est tard » ? Avez-vous acquis vos compétences informatiques de cette manière ou quand avez-vous eu votre premier ordinateur ?

E. Snowden :  Il est exact j’ai certainement eu … je dirai une formation informelle approfondie en informatique et en technologie électronique. Cela m’a toujours fasciné et intéressé. Et il est juste de dire que j’avais des parents qui me disaient d’aller au lit.

Seipel :  Si on regarde le peu de données disponibles publiquement sur votre vie, on découvre que vous vouliez à l’évidence rejoindre les Forces Spéciales en mai 2004 pour combattre en Irak, quelle était votre motivation à l’époque ? Vous savez, les Forces Spéciales, si on vous regarde en ce moment, cela signifie d’âpres combats et probablement de tuer. Et êtes-vous déjà allé en Irak ?

E. Snowden : Non je ne suis pas allé en Irak … une des choses intéressantes à propos des Forces Spéciales, c’est qu’elles ne sont pas destinées au combat direct, elles sont ce qu’on appelle un multiplicateur de force. Elles sont infiltrées derrière les lignes ennemies, c’est un groupe qui dispose d’un certain nombre de spécialités différentes et qui forme et met la population locale en capacité de résister ou de servir de support aux forces américaines d’une manière qui leur donne une chance de peser sur leur propre destinée et je sentais que c’était en soi une noble cause à l’époque. Après coup certaines des raisons qui nous ont amenées en Irak n’étaient pas bien fondées et je pense ont rendu un mauvais service à tous ceux qui étaient impliqués.

Seipel Qu’est-il arrivé à votre aventure alors ? Etes-vous resté longtemps avec eux ou que vous est-il arrivé ?

E. Snowden :  Non, je me suis brisé les jambes à l’entraînement et j’ai été réformé.

Seipel Alors en d’autres termes l’aventure a tourné court ?

E. Snowden :  Cela a été une brève aventure.

Seipel En 2007 la CIA vous a stationné sous couverture diplomatique à Genève en Suisse. Pourquoi avoir rejoint la CIA à propos ?

E. Snowden :  Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question en direct.

Seipel D’accord en ce qui concerne ce que vous y avez fait, oublions, mais pourquoi avoir rejoint la CIA ?

E. Snowden :  A plusieurs égards je pense que c’est dans la continuité de mon action de favoriser l’ intérêt public de la manière la plus efficace et c’est en phase avec le reste de mon activité au service du gouvernement où j’essayais d’utiliser mes compétences techniques dans les postes les plus difficiles que je pouvais trouver dans le monde,  et la CIA m’en offrait l’occasion.

Seipel Si nous revenons en arrière : Forces Spéciales, CIA, NSA, cela ne cadre pas vraiment avec le profil d’un activiste des droits de l’homme ou de quelqu’un qui devient un lanceur d’alerte après cela. Que vous est-il arrivé ?

E. Snowden :  Je pense que cela raconte une histoire et que cela n’a rien à voir avec la profondeur de l’engagement des individus dans le gouvernement, ni avec leur fidélité au gouvernement, ni dans la force de leur foi dans les choix de leur gouvernement comme cela a été mon cas pendant la guerre d’Irak, les gens peuvent apprendre, les gens peuvent découvrir la limite entre un comportement gouvernemental approprié et de réels méfaits et je pense qu’il est devenu évident pour moi que cette limite avait été franchie.

Seipel Vous avez travaillé pour la NSA par l’intermédiaire d’un sous traitant privé du nom de Booze Allen Hamilton, un des grands noms du secteur. Quel est l’intérêt pour le gouvernement américain ou la CIA de sous-traiter à une société privée l’externalisation d’une fonction centrale du gouvernement ?

E. Snowden :  La culture de la sous-traitance de la communauté de la sécurité nationale aux Etats-Unis est une question compliquée. Le moteur en est un ensemble d’intérêts comprenant d’abord la nécessité de limiter le nombre d’employés directs du gouvernement et en même temps d’écarter des groupes de lobbying du Congrès de sociétés très solides telles que Booze Allen Hamilton. Le problème est que vous arrivez à une situation où des politiques gouvernementales sont influencées par des sociétés privées qui ont des intérêts qui n’ont rien à voir avec l’intérêt public. Le résultat en est ce que nous avons vu chez Booze Allen Hamilton où vous avez des individus qui ont accès à ce que le gouvernement reconnaît comme des millions et des millions d’enregistrements avec lesquels ils pouvaient passer la porte à tout moment sans en référer, sans supervision, sans audit, sans même que le gouvernement sache où ils allaient.

Seipel :  A la fin vous êtes arrivé en Russie. Nombre de communautés du renseignement vous soupçonnent d’avoir passé un accord, du matériel classifié en contrepartie d’un asile ici en Russie.

E . Snowden :  Le chef de la Task Force qui a étudié mon cas pas plus tard qu’en décembre a conclu qu’il n’avait aucune preuve ou indice que j’avais bénéficié d’une aide ou de contacts extérieurs ou que j’avais conclu un accord de quelque nature pour accomplir ma mission. J’ai travaillé seul. Je n’ai eu besoin de personne d’autre, je n’ai pas de liens avec des gouvernements étrangers, je ne suis pas un espion à la solde de la Russie ou de la Chine ou d’un autre pays dans cette affaire. Si je suis un traître qui ai-je trahi ? J’ai livré toute mon information au public américain, à des journalistes américains qui enquêtent sur des questions américaines. S’ils prennent cela pour une trahison je pense que les gens doivent s’interroger sur ceux pour qui ils croient travailler. Le public est supposé être leur patron non leur ennemi. Au-delà de cela en ce qui concerne ma sécurité personnelle, je ne serai jamais pleinement en sécurité avant que ces systèmes n’aient changé.

Seipel :  Après vos révélations aucun pays européen ne vous a vraiment offert l’asile. Où en Europe avez-vous demandé le droit d’asile ?

E. Snowden :  Je ne peux me rappeler la liste des pays en détail parce qu’ils étaient nombreux mais la France et l’Allemagne ainsi que le Royaume-Uni en faisaient certainement partie. Un nombre de pays européens, dont la totalité a malheureusement estimé que faire ce qui est juste était moins important que d’apporter leur soutien aux intérêts politiques américains.

Seipel : Une  réaction à l’espionnage de la NSA en ce moment est que des pays comme l’Allemagne réfléchissent à la création d’internet nationaux afin de forcer les sociétés du net à garder leurs données dans leur propre pays. Est-ce faisable ?

E. Snowden :  Cela n’arrêtera pas la NSA. Disons-le ainsi : la NSA va là où se trouvent les données. Si la NSA peut extraire des messages des réseaux de télécommunication en Chine, il est probable qu’elle puisse sortir des messages facebook d’Allemagne. A la fin la solution à ce problème n’est pas de tout mettre entre quatre murs. Bien que cela augmente le niveau d’évolution et de complexité nécessaire à la récupération de l’information, il vaut beaucoup mieux simplement sécuriser l’information au niveau international de toute intrusion plutôt que de jouer à « déplacer les
données ». Déplacer les données ne résout pas le problème. Le problème est de sécuriser les données.

Seipel En ce moment Obama ne semble à l’évidence pas trop préoccupé par le message de la fuite. Et avec la NSA ils sont beaucoup plus préoccupés d’attraper le messager dans ce contexte. Obama a demandé à plusieurs reprises au président russe de vous extrader. Mais Poutine ne l’a pas fait. Il semble que vous deviez probablement passer le reste de votre vie en Russie. Comment vous sentez-vous en Russie dans ce contexte et existe-t-il une solution à ce problème.

E. Snowden :  Je pense qu’il devient de plus en plus évident que ces fuites n’ont pas provoqué de dégâts et qu’en fait elles ont servi l’intérêt général. Pour cette raison je pense qu’il sera très difficile de maintenir une sorte de campagne permanente de persécution envers quelqu’un dont  le public reconnaît qu’il sert l’intérêt public.

Seipel :  Le New York Times a écrit un très long article et demandé que la clémence vous soit accordée. Le titre en est « Edward Snowden lanceur l’alerte » et je cite l’article : « Le public a appris dans le détail comment l’agence a étendu son mandat et abusé de son autorité. » Et le New York Times conclut : « Le Président Obama devrait demander à ses collaborateurs de commencer à trouver une manière de mettre fin au dénigrement de Mr Snowden et de l’inciter à revenir au pays. » Avez-vous eu un appel de la Maison Blanche dans l’intervalle ?

E. Snowden :  Je n’ai jamais reçu d’appel de la Maison Blanche et je ne passe pas mon temps à côté du téléphone. Mais j’accueillerai volontiers l’occasion de parler de la manière d’amener cette affaire à une conclusion qui satisfasse les intérêts de toutes les parties concernées. Je pense qu’il est clair qu’il y a des moments où ce qui légal est distinct de ce qui est juste. Il y a de telles époques dans l’histoire et il n’est pas besoin de réfléchir longtemps pour un Américain ou un Allemand pour trouver dans l’histoire de son pays des époques où la loi permettait au gouvernement d’accomplir des choses qui n’étaient pas justes.

Seipel En ce moment le Président Obama à l’évidence ne semble pas en être convaincu parce qu’il a dit que vous étiez accusé de trois crimes et je cite : « si vous Edward Snowden croyez en ce que vous avez fait pourquoi ne revenez-vous pas en Amérique pour comparaître au  tribunal avec un avocat et plaider votre cause. » Est-ce la solution ?

E. Snowden :  C’est intéressant parce qu’il a mentionné trois crimes. Ce qu’il ne dit pas, c’est que les crimes dont il m’accuse sont des crimes qui ne me permettent pas de me défendre en justice. Ils ne m’autorisent pas à me défendre devant un tribunal public et convaincre un jury que ce que j’ai fait l’a été dans leur intérêt. La loi sur l’espionnage, qui date de 1918, n’a jamais permis de poursuivre les sources des journalistes, les gens qui donnent aux journaux des informations qui sont d’intérêt public. Elle concerne des gens qui vendent en secret des documents à des gouvernements étrangers qui bombardent des ponts et sabotent des communications, pas des gens qui agissent pour l’intérêt général. Donc je dirai d’une manière illustrée que le président choisirait de dire que vous devriez affronter la musique alors qu’il sait que la musique est un **procès pour la galerie.

**procès pour la galerie = show trial

noun
(especially in a totalitarian state) the public trial of a political offender conducted chiefly for propagandistic purposes, as to suppress further dissent against the government by making an example of the accused.

(Surtout dans un état totalitaire) l'audience publique d'un délinquant politique dirigé principalement à des fins de propagande, pour réprimer davantage la dissidence contre le gouvernement en faisant un exemple de l'accusé.
Origin: 
1945–50



Traduction : Patrick/ Isabelle   
09/02/2014

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At midday on Friday 5 February, 2016 Julian Assange, John Jones QC, Melinda Taylor, Jennifer Robinson and Baltasar Garzon will be speaking at a press conference at the Frontline Club on the decision made by the UN Working Group on Arbitrary Detention on the Assange case.

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